samedi, septembre 30, 2006

En toute indépendance et en toute liberté

L'actuel mouvement de la musique « libre » n'aurait pu naître sans le wèbe, c'est une évidence qui crève les yeux. Jamais, dans toute l'histoire de l'espèce humaine, il n'a été possible de transférer si aisément — et si rapidement — des données d'un bout à l'autre de la planète. Et, à plus forte raison, des morceaux de musique.

En raison de cette facilité, des obstacles sans cesse plus nombreux — vous avez dit DADVSI ? — ont commencé à s'élever pour empêcher, entre autres, la libre circulation de la musique. Et la plupart des obstacles en question sont de nature juridique. Car, voyez-vous, toute musique a un, que dis-je ? des propriétaires, des ayant droits, appelez-les comme vous voulez. Derrière une chanson, il peut y avoir tout un tas de personnes, physiques ou morales, qui réclament leur dû, de l'auteur et du compositeur au producteur et à l'organisme de gestion, en passant par l'interprète et, éventuellement, l'arrangeur. Même si l'un des maillons de cette chaîne décide de renoncer à tout ou partie de ses droits pour faciliter — par exemple — la diffusion, les autres sont là pour l'en dissuader.

Le mouvement de la musique libre est aussi né de là. De cette volonté de contrôle total de la part de certains ayant droits ou de leurs représentants. Ainsi, avec la SACEM, c'est tout ou rien : si vous y êtes, vous y êtes pour ainsi dire corps et âme. Impossible d'y déposer certains de vos morceaux chez eux et de faire ce que vous voulez du reste, comme ça se passe par exemple au Québec. La SACEM veut l'exclusivité. Le monopole.

Je n'ai pas l'intention de juger ici cette politique, qui peut tout à fait se défendre. Après tout, comme je l'ai déjà écrit ailleurs sur ce blogue, la SACEM est née d'une idée nécessaire et généreuse : rétribuer auteurs et compositeurs de musique en fonction de l'utilisation qui est faite de leurs œuvres. Et elle continue à accomplir cette fonction depuis un siècle et demi. Peut-être est-elle mal gérée, comme le disent certains ; peut-être — sûrement — a-t-elle besoin de s'adapter à un monde qui évolue très vite. Cela viendra assurément.

Ce qui me paraît clair, c'est que la musique libre, mouvement d'apparition récente, a pris de vitesse cette vieille dame un peu bornée. Parce qu'un artiste cherche avant tout à faire connaître son art, et à toucher le plus grand nombre de gens possible. Or, dans le cas de la musique, l'évolution technologique des vingt dernières années a déclenché ce que j'appellerais bien une révolution si le terme n'était pas tant galvaudé. Grâce à tout un tas d'innovations techniques que je ne vous ferai pas l'affront d'énumérer, de plus en plus de gens enregistrent aujourd'hui leur musique à moindre frais. Ce n'était pas le cas il y a ne serait-ce qu'un quart de siècle ; ça explique pourquoi de nombreux groupes n'ont pas laissé de trace discographique — ou si peu.

On n'a jamais produit autant de musique enregistrée. Et ce n'est pas fini.

Seulement, si tous ces morceaux existent, c'est bien pour qu'on les écoute. Là intervient l'innovation technologique ultime, la cerise sur le gâteau, j'ai nommé le wèbe. Une chanson mise en ligne possède des millions, des dizaines de millions, bientôt des milliards d'auditeurs potentiels. (Savoir si elle va les trouver est une autre question.) Mais, pour que cette diffusion soit efficace, elle doit être gratuite. Ben oui. Parce que la plupart des gens qui ont envie d'échanger ou de diffuser de la musique sur le wèbe n'ont pas de sous à filer à la SACEM ou à tout autre organisme équivalent : ils fonctionnent sur l'idée de partage.

Dès lors, les artistes sont confrontés à une alternative simple : soit ils s'inscrivent à la SACEM, en échange de quoi ils seront rémunérés pour toute utilisation d'une de leurs œuvres mais perdront également le droit de décider qui peut diffuser leur musique et sous quelles conditions ; soit ils décident de ne pas s'y inscrire, choisissent une licence libre, protègent leurs morceaux d'une manière ou d'une autre et lâchent leur bébé sur le réseau.

Cette deuxième démarche n'a évidemment aucun intérêt si vous vous appelez, au hasard, Didier Barbelivien. Mais personne ne s'étonnera qu'elle apparaisse infiniment séduisante à tous ceux qui préfèrent être écoutés plutôt que de toucher — un peu — d'argent. Et ils sont de plus en plus nombreux, pour les raisons évoquées plus haut.

Attention, je ne parle pas seulement des amateurs qui bricolent pour le plaisir et aux yeux de qui la question financière est secondaire. Ce n'est pas parce que vous laissez les gens partager gratuitement votre musique que vous ne pouvez pas vendre des disques, donner des concerts, etc. Même si la musique libre doit encore trouver un ou des modèles économiques viables, elle n'attire pas que des dilettantes. N'oublions pas que beaucoup d'artistes inscrits à la SACEM — ceux dont les morceaux ne sont quasiment jamais diffusés dans les médias — ne touchent que des clopinettes.

Je n'aime pas faire des prévisions — et encore moins des prédictions, c'est une déformation professionnelle. Néanmoins, il est difficile de nier que nous sommes au début de quelque chose. Si vous avez bien suivi le raisonnement ci-dessus, vous tomberez d'accord avec moi sur l'idée que le phénomène de la musique libre ne peut tout simplement pas retomber. Jusqu'où croîtra-t-il ? Bien malin qui saurait le dire aujourd'hui.

Nous avons les outils. À nous d'apprendre à nous en servir, non dans le but de faire concurrence à la SACEM, mais bel et bien pour porter notre travail — notre art — à la connaissance du plus grand nombre de gens possible en toute indépendance et en toute liberté.

mercredi, septembre 27, 2006

Nous avons les moyens de vous faire parler !

Voici la surprise annoncée : une interview exclusive de Dead Joshua, assaisonnée d'une sélection spéciale sur le player BnFlower :

Pourrais-tu te présenter ?

— Entrer dans la salle tv de la résidence universitaire, la nuit, c'est un peu comme entrer dans la 4ieme dimension. Y'a là des chaises et des étudiants, immobiles, en train de fixer un truc étrange dans l'obscurité. Un truc qui clignote et qui projette de chouettes ombres de chaises et d'étudiants immobiles... j'en suis sidéré. ça mérite bien un café-clope, histoire de réfléchir un peu à tout ça. Je me trouve donc un coin tranquille, pour m'y accroupir avec mon gobelet tout chaud, et je me dis qu'il faudrait mixer le petit vacarme que je suis en train de composer avec un fond sonore. Une fréquence inutilisée de ma radio, peut-être. Ou un riff de gratte à l'envers, à peine audible... J'y retourne.

Donc, tu réalises tous tes morceaux seul avec une guitare, un quatre pistes et des samples, c'est bien ça ?

— Oui. Vers 1995/96, j'ai rencontré Ben. Un type vraiment génial. Il avait un quatre piste sur K7 et on passait notre temps libre à y coller des arrangements basse/guitare/boite à rythme. On avait aussi d'autres activités, comme faire des excursions nocturnes, déguisés en ninjas et armés d'un nagra, histoire de sonoriser les pigeons dans les usines désafectées. Mais plus tard, le coup du quatre pistes, ça m'a manqué, et j'ai peu à peu rassembler le matériel pour pouvoir à nouveau enregistrer mes morceaux.

Tes morceaux se partagent entre un rock lo-fi très noisy et minimaliste et des titres plus expérimentaux, comme par exemple « Collapse » et « ! ». Vois-tu une continuité de l'un à l'autre ? Ou bien s'agit-il de facettes différentes de ta sensibilité musicale ?

— Eh bien... Un jour, j'ai rencontré Stéphan. Il avait transformé toute une pièce, chez lui, en laboratoire audio. Y'avait des diagrammes étranges scotchés aux murs, des cables dans tous les sens et des claviers de synthés reliés à des machines avec tellement de potards dessus qu'on se serait cru dans le cockpit d'un vaisseau spatial ! C'était hallucinant les sons qui sortaient de son installation... Plus tard, je suis tombé sur une simulation PC d'un synthé analogique. Rien à voir avec la machinerie de Stéphan, mais j'ai fait quelques « branchements », et ça a donné « Collapse ». Disons que y'a des trucs que j'ai entendu et qui m'ont laissé un souvenir suffisamment fort pour me donner envie d'en faire ma propre version, pour voir. Je me suis aussi essayé au trip-hop, mais là, j'étais pas vraiment au point...

Quelles sont tes références essentielles en matière de musique ?

— Ah... Noir Désir, dans les premiers albums (j'ai dansé un slow inoubliable sur « Marlène »). Hum... Les Pixies, Sépultura. Le deuxième album de [no one is innocent] m'a scotché la première fois que je l'ai entendu. Le coup de mélanger des riffs de gratte bien puissants avec des sons un peu radio... Ah ! Et puis l'album « Antichrist Superstar », de Marilyn Manson. Ils ont vraiment eu de trés bonnes idées sur cet album. Et on y trouve quelques interventions de Trent Reznor (Nine Inch Nails aussi, j'adore). Sinon, en vrac: Sonic Youth, les Thugs, the Cure, the Jesus Lizard, le collectif NIMP, les Beastie Boys. Y'a aussi quelques monuments du rock que j'apprécie, comme Pink Floyd, les Rolling Stones, les Doors, Janis Joplin...

Pourquoi choisir de chanter en anglais ?

— Ben je me souviens par exemple d'un morceau de Korn, où le chanteur dit « I'm just a faget ! ». Avec un pote, ça nous faisait délirer, parce que ça ressemblait presque à « j'veux juste une baguette ! ». Alors on imaginait Korn débarquer dans une boulangerie, avec le groupe au complet, ils balancent la musique et le chanteur se met à gueuler tout ce qu'il peut dans le micro et il hurle: « j'veux juste une baguette ! ». Mais bon, c'est peut-être pas la seule raison qui fait que je chante en anglais... Mais rien pour ça, ça vaut le coup de s'y mettre.

Comment, et quand, est né le « projet » Dead Joshua ?

Vers 1999, Philips lancait les premiers graveurs de CD grand public. Je revenais d'une balade en ville et là, dans ma piaule en résidence universitaire, avec ma vue imprenable sur les lampadaires du parking, j'ai réalisé d'un coup qu'avec mes instruments et mon quatre pistes, il me manquait plus qu'un graveur pour pouvoir faire mon propre CD. J'ai alors commencé à faire des arrangements, un peu comme des « best-of ». Et puis je faisais un nouveau morceau et je revoyais du coup l'ensemble du CD. Au fur et à mesure que mon CD évoluait, de temps en temps, je lui trouvais aussi un nouveau nom. Et puis un jour, j'ai pensé à « dead joshua ». Au départ, c'est donc le nom d'un CD, d'un arrangement de morceaux. Et puis c'est un nom auquel je me suis attaché, et c'est finalement comme ça j'ai décidé de me présenter quand je me suis mis à diffuser mes morceaux sur internet.

Tu es présent sur de nombreux sites de musique dite libre. L'existence de ces nouveaux moyens de diffusion a-t-elle joué un rôle dans la création de tes morceaux ? Ou bien est-ce juste une occasion dont tu as profité ?

— Un peu des deux. Quand je me suis mis à diffuser mes morceaux sur le web, j'ai commencé par me faire un petit site perso. Et puis je me suis mis à faire des recherches pour trouver des sites où je pourrais ajouter des liens vers le mien. Je suis alors tombé sur musique-libre.org (qui s'appelle maintenant dogmazic.net), et c'est comme ça que j'ai découvert les licences de libre diffusion. Donc au départ, c'est clairement une occasion dont j'ai profité. Et puis récement, je suis tombé sur un texte (« Maladroit », de Mammaroma) publié sur revolutionsoundrecords.org, avec une licence Creative Commons by-nc-sa. ça veut dire, entre autres, que Mammaroma en autorise les oeuvres dérivées. C'est un texte qui m'a plu et je l'ai repris dans un de mes morceaux, que je publie maintenant avec la même licence...

Quel bilan tires-tu aujourd'hui de la diffusion via les sites de musique libre ?

— Une sorte de prise d'indépendance des auteurs concernant la diffusion de leur musique. Les licences qui accompagnent ces diffusions constituent des appuis juridiques facilement abordables et sont en plus suffisament précises pour savoir ce que l'auteur autorise ou non concernant son oeuvre. Mais j'ai tendance à penser que ça s'inscrit dans un mouvement plus général. Y'a pas si longtemps que ça, encore, lorsqu'un artiste voulait sortir un album, et bien la plupart du temps il se mettait en relation avec un studio, ce qui impliquait au passage de se trouver un « protecteur » qui accepte de financer le projet. Maintenant, les moyens de production sont beaucoup plus accessibles et y'a de plus en plus de musiciens qui sont en même temps leur propre ingénieur du son. Là, et bien ça va encore plus loin, dans le sens où les licences libres permettent aux musiciens, déjà artistes et producteurs, de gérer aussi eux-même la diffusion de leur musique.

À quand un deuxième album ?
— Héhé ! j'y pense, j'y pense... Mais pour le moment, je sais pas encore trop. J'ai encore tout un stock de vieux sons dans lequel je pourrais piocher, histoire d'en cuisiner quelques-uns. D'autre part, depuis que je publie avec des licences libres, y'a des amorces de projets communs avec d'autres musiciens, via internet... Bon ça, c'est vraiment tout récent. Je sais pas encore trop ce que ça va donner, mais y'a des chances pour que le prochain album comporte quelques collaborations. Voilà, voilà, donc je suis ça de près en ce moment, et puis on verra bien...

Dead Joshua sur BnFlower.
Dead Joshua sur Dogmazic.
Dead Joshua sur Jamendo.
Dead Joshua sur Revolution Sound Records.

lundi, septembre 25, 2006

ok fly : Du bruit qui fait du bien !

Il y avait longtemps que je n'avais pas ressenti un enthousiasme aussi viscéral et immédiat à l'écoute d'un album de rock contemporain. Dès les premiers accords noyés dans le bruit blanc de l'« Intro », quelque chose m'a saisi et ne m'a pas lâché jusqu'à la fin de ce bref album. Dead Joshua a le sens du rythme et du riff qui accroche. Mais il a surtout le sens du bruit — ce qui, on en conviendra, n'est pas donné à tout le monde. Et puis, le chant au mégaphone, ça le fait à mort, si je peux me permettre. Un excellent album, donc — avec une petite préférence pour « No way » et « My friend ».

Le deuxième, vite !

mercredi, septembre 06, 2006

Aujourd'hui c'est mon anniversaire…

… et ce blogue en est à 999 visiteurs.

Je me demande bien si le millième visiteur pointera le bout de ses octets avant minuit.

À part ça, je ne sais pas si vous avez remarqué sur le player qui se trouve à droite de l'écran, mais mon groupe est « flower » (artiste) du mois sur BnFlower — et, en prime, je suis aussi diffuseur du mois grâce à l'ensemble de « mes » blogues et sites. Joie, bonheur et tout ça.

Oui, je sais, y a marqué « Pot » et pas « Brain Damage ». C'est à cause de mon goût pour les mauvais jeux de mots : quand je me suis inscrit sur BnF, « Flower Pot », ça m'a paru plus rigolo que « Flower Brain Damage »…