jeudi, août 10, 2006

Un petit pas pour l'artiste

Hier, lors d'une conversation téléphonique avec un ami, batteur d'un groupe français dont vous avez peut-être entendu parler, j'ai appris que, contrairement à ce que je croyais, la SACEM pouvait autoriser ses sociétaires à diffuser gratuitement leur musique sur le wèbe — ou plus exactement, comme vous allez le voir plus bas, sur leur site wèbe personnel — sans avoir à payer quoi que ce soit. Un tel revirement, passé relativement inaperçu malgré la publication d'un communiqué de presse en janvier de cette année, mérite d'être signalé, surtout quand on connaît les positions hiératiques sur lesquelles cette institution que je n'ose qualifier de vénérable campait jusque-là.

Avant d'aller plus loin, un peu d'histoire… Selon Wikipedia, « la SACEM est née à la suite d'un incident survenu au café-concert Les Ambassadeurs en mars 1847. Ernest Bourget, Paul Henrion et Victor Parizot, compositeurs et auteurs connus, refusèrent de payer leurs consommations, estimant qu'ils ne devaient rien puisque le propriétaire de l'établissement utilisait leurs œuvres sans les rétribuer en retour. Les trois musiciens gagnèrent un procès, qui provoqua, en 1850, la naissance d'un syndicat des auteurs regroupant 221 adhérents. L'année suivante, il prend son nom définitif de SACEM.

» La société se développe alors sur l'ensemble du territoire français (181 agences en 1858). Avec l'apparition du phonographe, puis de la radioduffusion et du cinéma, la SACEM étend son activité à de nouveaux média. Ce sera plus tard le disque microsillon, la télévision, la FM, le CD, internet… »

La SACEM est donc née d'une nécessité : rémunérer les auteurs et les compositeurs en fonction de l'utilisation faite de leur œuvre. Apparue sous la fort brève IIe République, elle a poursuivi son activité indépendamment des soubresauts politiques et des changements de régime, traversant un empire, trois autres républiques et l'Occupation. Si vous voulez en savoir plus sur la spoliation dont furent victimes certains sociétaires durant cette dernière période, je vous renvoie à ce document qui fait le point sur la question.

Censée défendre les droits des créateurs, la SACEM n'a jamais été réputée pour sa souplesse ni sa générosité à l'égard de ceux qui ne respectent pas ses règles. Sa position lors du débat autour de la loi DADVSI a même été d'une rigidité d'anthologie. Alors, une évolution est-elle en train de se dessiner dans la vision que cette valétudinaire institution a du wèbe et de la diffusion d'œuvres musicales dont elle détient les droits ?

La lecture des conditions préalables à l'autorisation de diffusion suggère le contraire.

Eh oui, la SACEM peut donner à ses sociétaires l'autorisation de diffuser gratuitement leurs œuvres sur leur page ou site wèbe sans verser de redevance… mais c'est tout. Non seulement il est hors de question qu'ils en profitent pour vendre les œuvres en question, mais ils ne peuvent même pas indiquer où se les procurer moyennant finances. Le système en place a l'air de s'être entrouvert, mais il demeure verrouillé. Devinez au profit de qui ?

Allez, je serai gentil, pour une fois : c'est quand même un grand pas pour la SACEM… mais un (tout) petit pas pour les artistes

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