dimanche, août 06, 2006

Marie ne doit pas cacher Laforêt

Marie Laforêt est l'une des rares chanteuses de variétés qui trouve grâce à mes yeux. D'abord, à cause de sa magnifique voix rauque. Elle aurait vraiment dû chanter du rock, et je ne peux qu'imaginer un monde où elle serait devenue un genre de Grace Slick ou de Marianne Faithful française. Il y a aussi ce regard extraordinaire, qui va de pair avec une présence à mon sens exceptionnelle. Ceux qui l'ont vue dans Plein soleil de René Clément ou La Fille aux yeux d'or de Jean-Gabriel Albicocco — où elle éclipse Françoise Dorléac elle-même —, voire, plus récemment, dans Tykho Moon de Bilal, comprendront ce que je veux dire.

Dans les années 1960, au temps de ces EP aux pochettes cartonnées et illustrées que le monde entier continue à nous envier aujourd'hui, les producteurs parisiens faisaient encore interpréter par des artistes locaux des versions francisées des grands tubes anglo-saxons. Ce qui a donné, entre autres chef-d'œuvres flamboyants, l'inénarrable « Sous-marin vert » des Compagnons de la Chanson, adaptation du « Yellow Submarine » des Beatles, « Fleur sauvage » de Claude François, splendide massacre du « Wild World » de Cat Stevens, ou encore « San Francisco », reprise du morceau éponyme de Scott Mackenzie par notre Johnny national, bien avant que celui-ci ne devienne faire-valoir du président de la principale cible de ce blogue.

C'est ainsi que Marie Laforêt s'est retrouvée en 1967 à interpréter une chanson intitulée « Marie douceur, Marie Colère », qui n'est autre que l'adaptation de « Paint It Black » — oui, le génial morceau psychédélique des Rolling Stones dont la partie de sitar jouée par Brian Jones a ravi, sans charres, des millions d'adolescents — mais aussi, je suppose, faire un tantinet grincer des dents Ravi Shankar ! Si la loi française ne punissait pas de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende le fait de mettre en ligne un morceau de musique sans l'accord des ayant droit, c'est avec plaisir que je vous l'aurais fait écouter, mais ma lâcheté fondamentale et l'état de mon compte en banque, alliés à un manque de goût certain pour la paille humide des cachots, me déconseillent vivement de braver les foudres de la justice. Cela dit, le morceau a été maintes fois réédité sur plusieurs compilations, en vinyle comme en CD, et vous n'aurez aucun mal à le trouver si vous avez envie d'y jeter une oreille. Ce que je ne peux que vous encourager à faire car, en dépit de paroles… euh… sans rien de remarquable, ainsi que de l'absence du coda déchirant où le sitar se déchaîne, « Marie douceur, Marie colère » mérite d'être tiré de l'obscurité rien que pour la voix de Marie Laforêt et les émotions qu'elle y fait passer. Si vous ne devez en écouter qu'un seul, que ce soit celui-là.

Néanmoins, les plus grand(e)s artistes commettent parfois des fautes de goût. Si chanter du Didier Barbelivien en est incontestablement une, on peut cependant difficilement jeter la pierre à Marie Laforêt car chacun sait bien que le système traditionnel de production musicale de notre pays ne laisse pas toujours beaucoup de latitude aux simples interprètes dans le choix de leurs chansons. Mais comment a-t-elle pu, en 1977, accepter de poser pour une pochette aussi kitsch et flamboyante que celle que vous pouvez voir ci-dessous ?


J'en suis encore à me le demander.


N'empêche qu'elle demeure nettement plus expressive, et surtout bien plus crédible et convaincante, que la plupart des chanteuses de variétés, tant ses contemporaines que d'autres plus récentes — comme celle-ci, ou encore celle-là.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je savais que notre Claude François national avait déjà repris "I want to hold you hand" des 4 de Liverpool et que le résultat était... (il n'y a peut-être pas de mot pour cela). Mais "Wild world"! Remarque, dans le même ordre d'idées, la version de "That means a lot" par P.J. Proby (une chanson Lennon-McCartney de commande) est à pisser de rire. J'ai lu quelque part que Proby était le plus mauvais chanteur de tous les temps. Y a un peu de ça, quand même.
Sinon, la Marie Laforêt, elle n'était pas un peu slave, dans l'esprit? Par la façon dont elle interprétait "totalement" ses chansons... Je m'en souviens encore.

Thierry D. R.

Anonyme a dit…

N'oublie pas, interprété par Marie Laforêt, une version sublime de "El Condor pasa". Sa voix est absolument géniale, surtout dans ce morceau !

Lucie

Brain Damage a dit…

Ouaip, Lucie, même si le condor me gave grave pour l'avoir trop entendu.

Sinon, d'acord avec toi, Thierry, on a vraiment l'impression qu'elle vivait ce qu'elle chantait — alors que Piaf en fait décidément trop et que Mireille Mathieu m'a toujours fait penser une poupée mécanique dont on a trop remonté le ressort.

« Viens, viens », c'est quand même autre chose que « Le téléphone pleure »…

Anonyme a dit…

Je pensais précisément à cette chanson ("Viens, viens") :-)

Ah! "Le téléphone pleure"! Quel interprète imbittable, ce Claude. Et je suis gentil, encore.

Brain Damage a dit…

Oui, mais quel tempérament électrique !

Anonyme a dit…

Evidemment, évidemment (franchement noire, mais hilarante) :-))